Discours du 11 novembre 2009 Chers Amis, Chers Concitoyens. Le onzième jour du onzième mois, à la onzième heure, les armes se taisaient enfin. C’était en 1918. A vous tous, réunis ce matin autour du Monument aux Morts de notre village puis dans cette salle, je souhaite exprimer combien votre présence atteste du très haut intérêt que les Metzervissois portent à cette cérémonie du souvenir. Et votre présence, enfants des écoles de Metzervisse, est un formidable hommage à ceux qui ont enduré les souffrances de cette guerre. Si le souvenir de la Première guerre mondiale continue à rassembler un grand nombre de citoyennes et de citoyens en dépit de la disparition des acteurs et des témoins de cette guerre, cela prouve combien nous sommes marqués, collectivement, par cette terrible épreuve. Le 11 novembre occupe une place à part dans le cœur des Françaises et des Français, des Mosellans et des Mosellanes. Souvenons-nous ! Les soldats dont le nom est inscrit dans le marbre de notre Monument aux Morts, sont tombés, entre août 14 et novembre 18, sous l’uniforme allemand ! Les soldats des conflits suivants, sous l’uniforme français… Les monuments alsaciens et lorrains portent pour ceux qui sont tombés en ce début de XXème siècle, la mention ‘ Mort pour la Patrie ’. Si vous allez à Marspich, vous lirez, à la suite des noms des disparus, ‘ Français quand même ’. J’aime beaucoup cette formule... Et si ce conflit a constitué l’un des terreaux puissants qui fondent une nation dans la profondeur de la douleur puis dans la gloire de la victoire, sa conclusion a marqué pour nos aïeux plus ou moins lointains, le retour à la France et la fin d’une annexion de 47 ans. J’ai longtemps pensé que les Mosellans avaient été envoyés sur le front russe afin d’éviter une possible confrontation avec des ‘ cousins ’ de Nancy ou d’autres lieux de France. J’ai dû revoir mon jugement ces jours-ci à la lecture des souvenirs d’un messin incorporé dans un régiment bavarois. D’abord engagé dans le secteur, il a subi la perte de ses orteils suite aux gelures dans le Nord de la France, avant de revenir sur Verdun. Et son cas n’est qu’un exemple parmi tant d’autres… Les écoliers nous ont transmis les états d’âme, le découragement, les souffrances et les espoirs des combattants en nous lisant des lettres de Poilus. Cette guerre fut atroce et ses conséquences meurtrières. Bien loin de l’idée que s’en faisaient les combattants : partis, selon les livres d’histoire, la ‘ fleur au fusil ‘ dans l’enthousiasme le plus total, les Allemands se voyaient à Paris, les Français croyaient prendre Berlin, avec l’idée, pour tous, qu’ils rentreraient chez eux avant les vendanges de 1914, ou, au pire, pour Noël. La réalité fut terrible. Elle sacrifie plusieurs générations : - Côté français 1000 morts pour chaque jour de guerre. 5,5 millions de victimes dont 1,4 million de morts et de disparus, et donc plus de 4 millions de blessés. - 10% de la population active masculine est détruite. Cette saignée s’accompagne également d’un grave déficit de naissances. - Presque toutes les familles furent touchées, laissant là un père, un fils, une fille, un parent, un ami disparaître à jamais… Il n’y a je crois que 2 ou 3 villages en France qui ne possèdent pas de monuments aux morts… De la générosité, il en fallait pour vivre dans l’enfer des tranchées, dans la boue, sous les bombes, la mitraille de l’ennemie. De la bravoure les soldats n’en manquait pas. Elle culminait à Verdun, flamboyant et terrible souvenir. Une victoire. Mais à quel prix ? 163 000 soldats y laisseront la vie ; 260 000 seront blessés. Si cette guerre a participé à la fondation du sentiment national, n’oublions pas qu’elle a aussi contribué à une multitude de souffrances individuelles. Rappelons le souvenir de ces hommes qui participèrent à ce terrible conflit mondial, n’oublions pas les femmes. Près de la ligne de front, elles soignaient les blessés, les mutilés, les réconfortaient dans des hôpitaux de fortune et dans quelles conditions ! La chirurgie de l’époque n’est pas celle d’aujourd’hui. Ce sont les femmes qui ont remplacé les hommes dans les usines, elles aussi qui ont cultivé les champs à la place des hommes. Leur héroïsme trop longtemps ignoré doit être célébré. Comme doit l’être le souvenir des forces d’Outre-mer, issues de ce que l’on appelait à l’époque l’empire français. L’on n’en finirait pas de recenser tous les malheurs causés par cette effroyable guerre qui saigna toute l’Europe. Pourtant vingt ans plus tard, on recommençait à s’entretuer, à s’entre-détruire pour cinq trop longues années, puis dans de multiples conflits dont la liste serait trop longue à énumérer ici. Désormais, la guerre a changé de forme. Les Etats doivent lutter contre un ennemi invisible : le terrorisme. L’équilibre de la terreur a fait place, après la chute du mur de Berlin, à un monde éclaté, sans gouvernance et sans régulation mondiale, un monde multipolaire dont l’instabilité est amenée à ouvrir d’autres conflits. Alors, soyons vigilants ! Car s’il est bien une leçon que nous devons retenir du 11 novembre, c’est celle de la paix et de la fraternité que l’Europe doit nous apporter. L’hymne européen chanté par les écoliers nous le rappelle. Je remercie les musiciens de la batterie fanfare, le Corps des Sapeurs-Pompiers, les Anciens Combattants et leurs porte-drapeau, le capitaine BIETTE et l’adjudant MORETTI, les écoliers, leurs enseignants et leurs parents, l’abbé LAURENT, la chorale, les élus, les représentants des associations locales et vous tous, habitants de Metzervisse, pour votre participation et pour votre attention. Pierre HEINE
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